Par Nicolas Citti, consultant chez CHEFCAB
Le rapport de la Cour des comptes, publié ce lundi 15 juillet, dresse un tableau inquiétant de l’état actuel des finances publiques. A cette occasion, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, a souligné avec gravité que la situation financière de la France, qu’il qualifie de “préoccupante”, devait faire l’objet de mesures de redressement, non seulement urgentes, mais surtout audacieuses. Ce constat est d’autant plus alarmant que le pays doit aujourd’hui relever l’impérieux défi climatique, pris à bras le corps par une grande partie de la classe politique, au sein d’une Assemblée nationale reconfigurée, mais fragmentée.
« Toutefois, cette mauvaise situation financière ne doit pas constituer un frein à l’investissement face aux transitions énergétiques et environnementales. »
Actuellement en situation vulnérable, les finances publiques sont mises à rude épreuve, et trois indicateurs inquiètent les observateurs : le déficit budgétaire s’établissant à 5,5% (bien au-delà de la règle des 3% fixée par les traités européens), une dette publique en constante augmentation (3 159,7 Md€ au premier trimestre 2024, soit une augmentation de 58,3 Md€ par rapport au trimestre précédent) et enfin, une charge de la dette qui s’alourdit, en raison des taux d’intérêts qui augmentent. Résultat des courses, sous l’effet d’une conjoncture économique défavorable, la France s’endette, et persiste dans cette dangereuse trajectoire.
Toutefois, cette mauvaise situation financière ne doit pas constituer un frein à l’investissement face aux transitions énergétiques et environnementales. En effet, alors que des investissements considérables dans les infrastructures vertes, dans les technologies propres, et dans la transformation de modèles économiques sont essentiels, surgit un dilemme que même Corneille n’aurait pas eu l’audace de poser : à l’heure du dérèglement budgétaire, comment assumer les lourds investissements que nécessite la transition écologique ?
« Selon le rapport de la Cour des comptes, il s’avère impératif de conjuguer assainissement budgétaire d’une part, et financement des investissements stratégiques, de l’autre. »
Cette dualité nous impose à tous une réflexion approfondie sur les moyens à mettre en œuvre pour concilier redressement des finances publiques et transition écologique. Selon le rapport de la Cour des comptes, il s’avère impératif de conjuguer assainissement budgétaire d’une part, et financement des investissements stratégiques, de l’autre. Ces deux défis, souvent présentés comme contradictoires par des partis politiques en quête de majorité, doivent être relevés, et conduits simultanément. À cet égard, les travaux de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, publiés en mai 2023, offrent des pistes intéressantes.
Dans ce rapport, ils proposent plusieurs mesures pour financer les nouvelles politiques publiques vertes : réorientation des dépenses publiques vers des investissements durables, instauration de nouvelles taxes écologiques ou encore émission d’obligations vertes. Leur analyse souligne l’importance d’une fiscalité environnementale équilibrée, capable de soutenir les investissements nécessaires tout en préservant la soutenabilité budgétaire des finances publiques.
« La transition écologique ne peut en aucun cas se réaliser exclusivement dans les couloirs feutrés des ministères, dans les allées prestigieuses de l’Hémicycle ou encore sous les ors du Palais du Luxembourg. »
Ainsi, mettre en œuvre ces recommandations exige une volonté politique forte et un consensus large au sein de la société. La transition écologique ne peut en aucun cas se réaliser exclusivement dans les couloirs feutrés des ministères, dans les allées prestigieuses de l’Hémicycle ou encore sous les ors du Palais du Luxembourg. Sans une mobilisation de l’ensemble des forces vives du pays, aucun gouvernement ne pourra mener de front ces défis. Ces actions ne se feront pas en court-circuitant l’électeur, mais en renforçant l’adhésion des citoyens.
En revanche, chaque Français doit avoir conscience qu’il est le légataire des générations précédentes : dans la mesure où il lui incombe une partie de la dette financière et climatique, à lui de décharger les prochaines générations du poids de celle-ci, par des actions au service du bien commun.