Par Corentin Dattin, consultant senior chez CHEFCAB

« Au pic de l’été, on compte pas moins de 800 000 postes occupés par des saisonniers sur le territoire français. »
 

Voilà l’été : ses plages, ses baignades, ses douces soirées prolongées et… ses jobs saisonniers. Chaque année, face à l’afflux de touristes, ils sont indispensables pour faire tourner les hôtels, les restaurants, les commerces ou les campings pour qui cette période représente un moment clé de l’année. Au pic de l’été, on compte pas moins de 800 000 postes occupés par des saisonniers sur le territoire français. La plupart concernent des jeunes, qu’ils soient encore lycéens ou étudiants, qui voient dans cette période estivale une opportunité d’allier lieu de villégiature et expérience professionnelle. Dans une étude de mars dernier, l’Insee estime que 26% des étudiants résidant en France occupent un emploi tout en faisant leurs études, gagner en autonomie vis-à-vis de leur famille et améliorer leur vie quotidienne dans un contexte de précarité étudiante croissante. Si l’apprentissage détient la médaille d’or du tremplin vers l’emploi, les jobs d’été peuvent assurément truster une place sur le podium, tant l’expérience qu’ils procurent s’avère importante. Que ces postes soient ouverts pour absorber une augmentation temporaire d’activité ou pour pallier le départ en vacances des salariés, ils représentent pour beaucoup de jeunes entre 16 et 25 ans un premier pas en entreprise et, surtout, un premier contrat salarié. Souvent accessibles sans prérequis ni expérience, les jobs d’été sont un formidable accélérateur d’acquisition de compétences et de maturité. Sur une courte durée, qui reste significative, les jeunes en emploi saisonnier découvriront la réalité de la vie d’une entreprise dans la peau d’un collaborateur salarié. Ils appréhenderont à la fois les règles et le fonctionnement propres à chaque organisation, mais également les interactions entre employés ou avec l’employeur. Ils se verront confier des responsabilités et pourront être amenés à conduire des missions de façon autonome, parfois en interaction directe avec une clientèle exigeante. Si ces expériences professionnelles peuvent être l’occasion d’acquérir des compétences techniques, les jeunes développeront surtout des compétences comportementales et de savoir-être qui apporteront une vraie valeur ajoutée à leur profil au moment de rechercher un premier emploi. D’ailleurs, contrairement à l’apprentissage, il apparaît que les emplois saisonniers sont généralement peu en adéquation avec le niveau de formation des jeunes ou avec le secteur professionnel ciblé dans le cadre de leurs études. Les jobs d’été s’inscrivent ainsi parfois dans une stratégie assumée : se démarquer des autres profils dans la perspective d’un premier emploi post-étude et apporter la preuve au recruteur d’une maîtrise de certains codes professionnels et d’une capacité de travail. 

« Dans une étude de mars dernier, l’Insee estime que 26% des étudiants résidant en France occupent un emploi tout en faisant leurs études, gagner en autonomie vis-à-vis de leur famille et améliorer leur vie quotidienne dans un contexte de précarité étudiante croissante. »
 

Pour autant, cela ne doit pas éclipser la réalité qui se cache trop souvent derrière ces emplois. D’une part, s’ils relèvent d’un choix et sont sources d’épanouissement pour certains étudiants, les jobs d’été sont pour un nombre significatif de jeunes une contrainte liée à uns situation financière précaire qui rend indispensable le fait de travailler durant la saison estivale. À ce titre, probablement que l’inflation des derniers mois a aggravé cette situation et accru le nombre d’étudiants cumulant études et emploi. En second lieu, à l’heure où les restaurateurs, les hôteliers ou les commerçants peinent à recruter de la main d’oeuvre pour la saison d’été, la problématique de l’accès au logement est pointée comme l’un des freins majeurs pour attirer les jeunes vers ces emplois. Les communes des zones touristiques se mobilisent, en lançant par exemple des initiatives telles que « l’Hébergement temporaire chez l’habitant », pour faciliter la mise en relation entre jeunes et propriétaires pour un logement de quelques semaines. Malgré cela, et face à la pression immobilière liée au tourisme, les conditions de logement des jeunes en emploi saisonnier demeurent souvent loin du grand confort et nombreuses sont les offres d’emploi saisonnier faisant l’impasse sur ce sujet. Enfin, les jeunes occupant un emploi saisonnier sont souvent peu informés de leurs droits en matière de travail. Le manque de connaissance et d’expérience du monde du travail peut conduire à des abus de la part de certains employeurs : horaires à rallonge, rémunération insuffisante, conditions de travail et de sécurité inadaptées, voire l’absence de contrat de travail. Le risque est d’entretenir un cercle vicieux qui n’aura pour effet que d’aggraver les difficultés de recrutement et l’attractivité des métiers liés au tourisme, alors que le rapport au travail chez les jeunes se transforme. 

« Le manque de connaissance et d’expérience du monde du travail peut conduire à des abus de la part de certains employeurs : horaires à rallonge, rémunération insuffisante, conditions de travail et de sécurité inadaptées, voire l’absence de contrat de travail. »