Par Léa Trentalaud, consultante senior chez CHEFCAB

Dès sa prise de fonction, Michel Barnier a placé la santé mentale au cœur de ses priorités, en annonçant faire de ce sujet la grande cause de l’année 2025. Lors de son discours de politique générale, le chef du gouvernement a rappelé que les problèmes de santé mentale touchent 1 Français sur 5, et que les maladies psychiques constituent la première dépense de l’assurance maladie. Selon les mots de Michel Barnier, “la santé mentale est l’affaire de tous : Etat, collectivités, entreprises, associations”. L’entreprise, justement, joue un rôle central en matière d’épanouissement des salariés, et de prévention des risques professionnels.

« Selon une étude publiée en décembre 2023 par la Fondation Jean Jaurès, près d’un quart des Français ne sont pas épanouis au travail. »

Selon une étude publiée en décembre 2023 par la Fondation Jean Jaurès, près d’un quart des Français ne sont pas épanouis au travail. Face à ce chiffre éloquent, il convient de se pencher sur les facteurs impactant directement la santé mentale des salariés.

Une étude publiée en août dernier par la DARES met en lumière les effets néfastes sur la santé d’une forte intensité de travail, et les effets bénéfiques, à l’inverse, d’une latitude importante laissée au salarié dans la conduite de son travail. L’étude pointe également l’effet de l’automatisation des tâches sur la santé mentale : les salariés exerçant un métier automatisable sont plus susceptibles d’avoir une santé mentale dégradée, face à un sentiment d’insécurité quant à l’avenir de leur travail. Enfin, l’étude souligne l’ambivalence du télétravail ; lorsqu’il est subi par le salarié, il augmente les risques de dégradation de la santé mentale.

« Le bien-être mental des salariés constitue donc un sujet stratégique et financier pour les entreprises, il doit être érigé au rang de priorité. »

L’OMS estime pour sa part que la dépression et l’anxiété font perdre chaque année 12 milliards de jours de travail à l’échelle mondiale, soit une perte de productivité de 1000 milliards de dollars. Le bien-être mental des salariés constitue donc un sujet stratégique et financier pour les entreprises, il doit être érigé au rang de priorité.

Parmi les pistes qui pourraient être explorées pour favoriser la bonne santé mentale des salariés, la reconnaissance des troubles psychologiques comme maladie professionnelle constituerait un premier pas. C’est ce que préconise la Fondation Jean Jaurès, rappelant que cette absence de classification comme maladie professionnelle déresponsabilise les entreprises. Ces dernières n’ont pas d’obligation de déployer de plans de prévention, et n’ont pas de contraintes financières, les coûts d’arrêts maladie éventuels étant pris en charge par l’Assurance maladie et non par l’entreprise – comme c’est le cas pour les maladies professionnelles.

Alors que 60% des métiers devraient être touchés par l’intelligence artificielle, selon un rapport du FMI en date de janvier 2024, charge également aux entreprises et aux branches professionnelles de réfléchir concrètement aux transformations à opérer pour lutter contre l’obsolescence programmée de certains métiers, et l’incertitude qui y est associée pour les salariés.  

Afin de contrer l’absence d’épanouissement professionnel trop largement constaté, une autre solution serait de permettre aux actifs de mobiliser gratuitement un bilan de compétences au cours de leur carrière, au moment de leur choix. Bien que cette mesure représente un investissement considérable pour l’Etat en période de restriction budgétaire, elle pourrait permettre des gains à moyen terme, en réduisant les coûts des arrêts maladies liés au mal-être au travail. Selon une étude du cabinet Asterès publiée en 2023, les actifs ayant suivi un bilan de compétences connaissent une amélioration significative de leur bien-être au travail, se traduisant par une meilleure productivité, et un renforcement de leur présentéisme.

« Enfin, la rémunération demeure, pour 59% des Français, le principal facteur d’épanouissement au travail, selon l’étude de la fondation Jean Jaurès. »

Enfin, la rémunération demeure, pour 59% des Français, le principal facteur d’épanouissement au travail, selon l’étude de la fondation Jean Jaurès. Si le niveau de salaire ne peut pas suffire à l’épanouissement, il en est une condition sine qua non. Au-delà de la revalorisation du SMIC de 2% annoncée par Michel Barnier lors de son discours de politique générale, le nouveau gouvernement devra veiller à ce que le travail paie, mot d’ordre martelé par le Président de la République mais peinant à trouver une application concrète.