Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB 

« En matière de transition écologique, le Québec s’affirme comme un exemple inspirant, porteur d’enseignements précieux pour la France. »

En attendant la nomination d’un nouveau gouvernement et l’adoption du budget pour 2025, la France se trouve dans une période de transition inédite. Cette situation d’incertitude n’épargne pas les politiques écologique et énergétique, marquées par la mise en pause et le possible amendement de la Programmation Energie Climat qui devait être publiée en début d’année. Tout aussi singulière et déstabilisante soit-elle, cette situation offre également une occasion intéressante : celle d’introduire des idées neuves et d’enrichir les débats à venir sur ces enjeux cruciaux. Pourquoi ne pas saisir cette opportunité pour élargir notre horizon et nous inspirer des modèles qui font leurs preuves ailleurs ? En matière de transition écologique, le Québec s’affirme comme un exemple inspirant, porteur d’enseignements précieux pour la France. Ce qui fait sa force ? Avoir placé l’accompagnement vers les métiers verts au coeur de sa stratégie climatique, en articulant ambitions environnementales et développement économique.

« Au Canada, la transition vers une économie verte porte en germe la création de plus de 400 000 nouveaux emplois d’ici la fin de la décennie. »

En France comme au Québec, les effets de la transition écologique sur le taux d’emploi et l’économie sont relativement similaires. Au Canada, la transition vers une économie verte porte en germe la création de plus de 400 000 nouveaux emplois d’ici la fin de la décennie. Parmi eux, les métiers du secteur de l’énergie propre devraient augmenter de 3,4% par an au cours de la prochaine décennie (2020 – 2030), soit près de quatre fois plus vite que la moyenne canadienne tous métiers confondus.

« (…) La province s’est fixée un triple objectif : accélérer la transition énergétique, rassurer les travailleurs et renforcer la compétitivité économique. »

Dans ce contexte, le Québec se distingue par sa capacité à anticiper et à structurer sa transition en accompagnant au plus près chacun des acteurs qui sont destinés à y prendre part. Au travers de son programme Ambition-Compétences, doté de 46 millions de dollars, la province s’est fixée un triple objectif : accélérer la transition énergétique, rassurer les travailleurs et renforcer la compétitivité économique. Pour ce faire, Ambition-Compétence soutient les entrées en formation vers les métiers d’avenir via divers programmes et subventions. Le plan gouvernemental s’appuie également sur l’ensemble de son tissu économique, et offre des incitations financières aux entreprises, en leur octroyant notamment le remboursement de 85% de leurs dépenses de formation. Au cours des prochaines années, le programme prévoit de former jusqu’à 30 000 personnes et de soutenir pas moins de 20 000 entreprises. Cet accompagnement est complété par le soutien du niveau fédéral, qui propose notamment des Programmes de stages en sciences et en technologie (PPST) permettant aux jeunes d’acquérir de l’expérience et des compétences dans les secteurs de l’énergie, de la foresterie, des mines, des sciences de la Terre et des technologies propres en incitant les entreprises à leur proposer des stages rémunérés.

Au-delà des subventions, le Québec place le besoin de formation au coeur de ses politiques publiques environnementales. Le Plan pour une Economie Verte 2030 (PEV), texte de référence en matière de transition énergétique et écologique au Québec, mise notamment sur l’électrification massive des transports à l’horizon 2030. Surtout, il prévoit et instaure des dispositifs visant à la création de 8 600 emplois verts dans ce secteur d’ici 2030. Cette concordance entre les objectifs climatiques et la politique de formation ambitieuse du Québec illustre une approche cohérente et pragmatique, liant résilience économique et écologique.

« Le futur gouvernement doit saisir l’opportunité d’inscrire la France dans une trajectoire durable et inclusive. »

Alors que la période actuelle donne l’occasion à la France de redéfinir sa stratégie écologique et énergétique, le modèle québécois démontre qu’une transition réussie ne peut se faire sans un accompagnement structuré et ambitieux des acteurs économiques et sociaux. Le futur gouvernement doit saisir l’opportunité d’inscrire la France dans une trajectoire durable et inclusive. En février 2024, le Secrétariat général à la planification écologique français publiait une étude détaillant les besoins en empois verts et les actions nécessaires pour les atteindre. Alors que l’Ademe estime que plus de 540 000 emplois pourraient être créés d’ici 2030 dans le cadre de cette transition, il est désormais urgent d’enclencher la suite du processus en mettant en oeuvre des dispositifs concrets et adaptés pour soutenir ces créations d’emplois. Pour que cette transition ne se fasse pas à marche forcée, la France doit s’inspirer des réussites québécoises : fixer des objectifs d’emploi clairs, garantir leur mise en oeuvre par des politiques de formation ambitieuses, et encourager les entreprises à investir dans les compétences vertes grâce à des dispositifs financiers incitatifs. Agir dès maintenant en ce sens, c’est faire de cette transition un moteur de prospérité pour les décennies à venir.