Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB
Ce mardi 15 avril, François Bayrou présidait à Matignon la première réunion du comité d’alerte sur les finances publiques. Un calendrier de trois mois est fixé pour élaborer un nouveau cadre budgétaire à la hauteur des déséquilibres observés, avec une restitution attendue d’ici le 14 juillet. Il s’agit de tracer les « grands choix » et les « grandes orientations » du redressement financier, dans un contexte où le déficit est attendu à 4,6 % du PIB en 2025. Ces déséquilibres s’expliquent en partie par des fragilités structurelles, à commencer par les difficultés persistantes du marché de l’emploi.
« le cœur du problème ne tiendrait pas tant au volume global de travail qu’à une fragmentation persistante du marché de l’emploi. »
Le lendemain, la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, était l’invitée de la matinale d’Apolline de Malherbe. Interrogée sur les propos du Premier ministre, selon lequel « en France, on ne travaille pas assez », la locataire de l’avenue Duquesne nuance : le cœur du problème ne tiendrait pas tant au volume global de travail qu’à une fragmentation persistante du marché de l’emploi. D’un côté, des jeunes sans expérience ; de l’autre, des seniors jugés trop coûteux ; entre les deux, des femmes cantonnées au temps partiel faute de solutions de garde.
Cette séquence ouvre un cycle dense sur le front de l’emploi. Une campagne nationale doit prochainement valoriser les salariés expérimentés. Un projet de loi sur l’emploi des seniors sera présenté début mai en Conseil des ministres, transposant l’accord interprofessionnel de novembre 2023. Il prévoit par ailleurs un renforcement de l’entretien de mi-carrière et des dispositifs de transition dès la seconde partie de carrière. En parallèle, syndicats et patronats sont appelés à définir un nouveau cadre pour les reconversions professionnelles. La lettre de cadrage adressée fin mars fixe trois priorités : mieux cibler les publics via le Projet de transition professionnelle (PTP), améliorer la gouvernance des dispositifs, et en renforcer l’articulation au sein des entreprises.
« Pour autant, deux outils bien identifiés par les actifs demeurent absents de cette feuille de route : le bilan de compétences et la validation des acquis de l’expérience.»
Pour autant, deux outils bien identifiés par les actifs demeurent absents de cette feuille de route : le bilan de compétences et la validation des acquis de l’expérience. Cette omission interroge, alors que les actifs expriment un besoin croissant de repères dans un contexte où les trajectoires professionnelles manquent de lisibilité. Si la part d’actifs se déclarant bien informés sur la formation continue progresse (53 %, contre 43 % en 2019) selon le dernier baromètre annuel de Centre Inffo, une large moitié reste encore en retrait, en particulier parmi les chômeurs : les ouvriers et les 35-64 ans. En parallèle, les intentions de se former reculent, et traduisent un déficit de projection ainsi qu’un manque d’accompagnement structuré.
Dans ce contexte, le bilan de compétences conserve une valeur d’usage forte. Sa notoriété est élevée, notamment chez les plus de 35 ans (92 %), et son efficacité est documentée : réduction du stress, gain de productivité, baisse de l’absentéisme.
« Il ne s’agit pas d’une charge à réduire, mais d’un investissement au service d’une meilleure organisation des transitions. »
Alors que l’exécutif cherche à maîtriser les dépenses publiques, notamment dans le domaine de la santé, l’accompagnement des actifs gagnerait à être envisagé non comme une réponse ponctuelle à des difficultés, mais comme une composante structurante des parcours professionnels. Il ne s’agit pas d’une charge à réduire, mais d’un investissement au service d’une meilleure organisation des transitions.
Mieux orienter les actifs dès le départ, grâce à des outils de diagnostic adaptés, contribuerait à sécuriser les parcours, à rendre les choix plus clairs et à limiter la dispersion dans l’usage des dispositifs. À terme, cela renforcerait la cohérence des trajectoires, au bénéfice d’une gestion plus efficiente des ressources et d’un rapport au travail plus durable.