Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB
C’est l’annonce de la semaine. Environ 109 milliards d’euros seront investis en France dans les prochaines années pour soutenir la compétitivité du pays dans le développement de l’intelligence artificielle avancée. À côté de cette manne considérable, les 20 millions d’euros alloués par France 2030 dans le cadre d’un appel à projets pour développer une IA dédiée aux enseignants, paraissent plus timides. Prévue pour être opérationnelle à la rentrée 2025-2026, cette mesure interroge sur la capacité de la France à s’imposer à l’avant-garde des technologies éducatives.
« Alors que les jeunes se familiarisent de plus en plus tôt avec les outils numériques, le développement de compétences critiques pour comprendre et encadrer ces usages devient un enjeu de littératie digitale »
Dans les établissements scolaires, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a annoncé, en marge du sommet pour l’action sur l’IA, le déploiement d’un parcours dédié à l’intelligence artificielle sur la plateforme Pix dès la rentrée 2025. Destiné aux élèves de quatrième et de seconde, ce programme leur permettra d’acquérir les bases de l’IA générative, de comprendre les principes d’un usage éthique et de développer des compétences techniques, comme le prompting. Mais cette mesure arrive tardivement : aujourd’hui, l’âge moyen d’obtention d’un premier smartphone est de 9 ans et 9 mois, selon Médiamétrie. Alors que les jeunes se familiarisent de plus en plus tôt avec les outils numériques, le développement de compétences critiques pour comprendre et encadrer ces usages devient un enjeu de littératie digitale. Reste à savoir si les trente minutes à une heure et demie, telles que prévues sur le logiciel Pix ancreront durablement ces apprentissages dans le parcours scolaire.
La ministre de l’Education a aussi annoncé qu’au printemps 2025, une charte nationale définira les bonnes pratiques d’usage de l’IA en classe. Cette démarche gagnerait à s’appuyer sur les travaux de l’association EdTech France, qui a récemment présenté une charte d’utilisation des IA génératives dans l’enseignement supérieur à l’occasion du sommet pour l’action sur l’IA. Quatre principes fondamentaux y sont érigés en repères : curiosité, transparence, précaution et parcimonie – des garde-fous pour prévenir les risques psycho-sociaux liés à l’intégration de ces nouvelles pratiques.
La formation des enseignants constitue ainsi une étape décisive, d’autant qu’actuellement, moins de 20 % d’entre eux utilisent régulièrement ces technologies. L’introduction d’une IA générative pour les professeurs devra donc faire ses preuves pour éviter de creuser davantage l’asymétrie naturelle face à l’IA entre l’École et ses élèves.
« L’État peut s’appuyer sur l’existant en associant davantage les EdTech à la construction d’une IA éducative souveraine »
L’État peut s’appuyer sur l’existant en associant davantage les EdTech à la construction d’une IA éducative souveraine, tant pour encadrer les usages pédagogiques auprès des élèves que pour accompagner le corps enseignant. Repenser les modalités d’évaluation en intégrant une appropriation raisonnée de l’IA, dans le cadre des recrutements et des concours de la fonction publique d’État, pourra également être envisagé.
L’organisation d’Assises de l’IA éducative, intégrant partenaires sociaux, associations de professeurs et de parents d’élèves ainsi que les EdTech, serait ainsi la bienvenue afin d’aligner les efforts et de bâtir un cadre robuste, régulé par l’État.