Par Lea Trentalaud, consultante senior chez CHEFCAB

Quelques jours après le 8 mars, le constat reste amer pour les femmes sur le front de l’emploi. Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a rappelé à l’occasion de la journée internationale des droits des Femmmes qu’ »aujourd’hui un chômeur en France, c’est une chômeuse majoritairement, une personne au SMIC, c’est une femme. » La syndicaliste a également appelé les entreprises à un « engagement beaucoup plus fort des employeurs sur cette question », leur reprochant de « sembler s’accommoder des inégalités salariales ».

«Chaque année, le calcul du “temps de travail gratuit” des femmes, traduisant l’écart salarial entre hommes et femmes en nombre de jours, nous rappelle l’inégalité de traitement persistante. En 2024, il a été considéré que les femmes travaillaient gratuitement à partir du 8 novembre.»

Si la France a fait des progrès relatifs à l’égalité salariale, à la faveur notamment du déploiement de son index de l’égalité femmes-hommes en entreprise, la marge de progression demeure importante. Instauré en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel au sein des entreprises de plus de 50 salariés, l’index vise à évaluer par une note sur 100 les écarts de rémunération entre femmes et hommes, en prenant en compte les écarts de répartition des augmentations individuelles et des promotions, mais aussi le traitement salarial des femmes à leur retour de congé maternité, ou encore la parité entre les plus hautes rémunérations de l’entreprise. L’index affiche cette année une note moyenne pour les entreprises françaises de 88,5/100. Derrière cette bonne note supposée, se cachent pourtant de nombreux biais. Selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité femmes hommes, publié au même moment que l’index, ce dernier ne concerne que 1% des entreprises françaises, représentant un quart des salariés, il donne donc une vision très limitée du marché de l’emploi. De plus, il ne prend pas en compte le temps partiel – dispositif utilisé à 80% par les femmes – et se base sur les salaires à poste constant, sans prendre en compte la sous-valorisation systémique des métiers majoritairement féminins. Parmi les pistes proposées par le Haut Conseil pour rendre cet index plus efficace, figurent notamment la prise en compte du temps partiel, mais aussi l’automatisation du calcul de l’index, celui-ci représentant une charge administrative majeure, notamment pour les PME. Le rapport suggère aussi de remonter le seuil permettant de déclencher des sanctions, et de rendre les sanctions plus dissuasives, afin d’inciter les entreprises à tendre vers un score de 100/100. Enfin, le Haut Conseil propose de conditionner les subventions et les marchés publics au respect de l’égalité salariale, sur la base du score obtenu dans le cadre de l’index.

« Preuve de la portée limitée de l’index, l’Etat peut mettre en demeure les entreprises dont le score se situe en dessous des 75/100 trois années de suite, hors seules 2000 l’ont été depuis 2019, dont 200 ont été soumises à des pénalités financières.»

Face à ce constat, la ministre Astrid Panosyan-Bouvet a annoncé une révision à venir de l’index existant, contraignant les employeurs à prendre des mesures en cas d’écarts de rémunération supérieurs à 5%. Cet ajustement doit également aller de pair avec la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, adoptée par l’UE en 2023. Celle-ci prévoit notamment une transparence totale des rémunérations dès les processus de recrutement, un droit renforcé pour les salariés d’être informés des niveaux de rémunération au sein de leur entreprise, ainsi qu’une obligation de publication régulière pour les entreprises de leurs écarts de rémunération, faisant écho à l’index français. La ministre du Travail et de l’Emploi a annoncé une concertation à venir entre partenaires sociaux, dans l’objectif d’aboutir à un projet de loi à l’automne.

«L’ajustement de l’index et la transposition de la directive européenne sont des étapes cruciales, mais elles ne suffiront pas à renverser la table, d’autres mesures plus systémiques doivent être envisagées.»

Cela passe d’abord par la revalorisation des métiers dans lesquels les femmes sont surreprésentées, et qui sont peu rémunérateurs. C’est le cas notamment des métiers du care – assistantes maternelles, aides-soignantes, infirmières – comptant plus de 80% de femmes. La maternité demeure également un frein dans la progression salariale, Oxfam a récemment pointé le “plafond de mère” pénalisant l’activité professionnelle des femmes. L’ONG propose ainsi la mise en place effective d’un « congé d’au moins 6 mois partagé entre les deux parents », la création de 200 000 places en crèche supplémentaires et le soutien renforcé aux familles monoparentales. Enfin, pour traiter le problème à la racine, il est également nécessaire de mieux former les recruteurs pour leur permettre de lutter contre les biais de genre dans les processus de recrutement et les négociations salariales.

Si l’égalité femmes hommes dans tous les pans de la société peine à se concrétiser, et semble même reculer à l’échelle internationale, l’égalité salariale peut constituer un levier pour inverser la tendance. Charge aux entreprises de prendre le sujet à bras le corps, et à l’Etat de les y inciter plus fortement.