Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB
Vendredi 15 novembre dernier, Emmanuel Macron recevait à déjeuner à l’Élysée une trentaine d’hommes d’affaires saoudiens accompagnés du ministre de l’Investissement du royaume.
« (…) l’attractivité de la France à l’international semble menacée (…) »
L’objectif de ce rendez-vous à l’initiative du chef de l’Etat : inciter ces dirigeants, à la tête de groupes influents dans les secteurs de la technologie, de l’énergie et de la transition écologique à investir davantage en France. Malgré la volonté affichée du chef de l’État de soutenir les investissements étrangers, l’attractivité de la France à l’international semble menacée, notamment depuis la dissolution, comme l’illustre une enquête révélant le déclin de l’intérêt des investisseurs étrangers.
En effet, le Baromètre de l’Attractivité de la France publié par le cabinet EY le 18 novembre dernier dévoile des chiffres préoccupants : 50 % des investisseurs étrangers estiment que l’attractivité de l’Hexagone s’est dégradée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et près de 49 % des projets d’investissement ont été réduits ou reportés en raison des incertitudes politiques et fiscales sur les décisions économiques. Fait notable, la réduction de la commande publique (10 %) figure parmi les préoccupations les moins citées, loin derrière l’incertitude législative (59 %) et le ralentissement des réformes (47 %), qui dominent les priorités des investisseurs.
Les incertitudes économiques, exacerbées par les tensions autour du budget 2025, sont alimentées par le projet de suppression partielle des allègements de cotisations patronales souhaité par le Premier ministre Michel Barnier, qui suscite de vifs débats au sein du gouvernement et du groupe Ensemble pour la République (EPR). Son prédécesseur, Gabriel Attal, soutenu par le ministre de l’Économie Antoine Armand, s’oppose frontalement à cette mesure, dénonçant le risque de faire des entreprises « la variable d’ajustement » budgétaire. Pour Nicolas Forissier, député LR, ces tensions internes semblent finalement traduire une absence de ligne économique claire. Il associe notamment les hausses d’impôts à des “réflexes franco-français” qui mineraient davantage la confiance des investisseurs étrangers.
« Le patron des patrons suggère l’instauration d’une TVA sociale qui consisterait à augmenter la TVA d’un point (en dehors des produits de première nécessité) tout en réduisant les cotisations patronales. »
Dans ce contexte, la proposition de Patrick Martin, président du Medef, pourrait faire sens en offrant une alternative à la hausse de la fiscalité reposant jusque-là principalement sur les épaules des entreprises. Le patron des patrons suggère l’instauration d’une TVA sociale qui consisterait à augmenter la TVA d’un point (en dehors des produits de première nécessité) tout en réduisant les cotisations patronales. Cela permettrait d’alléger le coût du travail, d’augmenter le salaire net des employés et d’améliorer la compétitivité des exportations françaises. Une piste qui pourrait rapporter environ 10 milliards d’euros à l’État, selon Patrick Martin, tout en répondant aux besoins des entreprises pour maintenir l’emploi et les investissements.
Mais au-delà des considérations fiscales qui concerneraient les employeurs, les investisseurs étrangers soulignent l’importance de “préserver les atouts fondamentaux de la France”, notamment “la qualité et la disponibilité des compétences”, son modèle d’éducation publique et d’apprentissage, “et donc son capital humain”.
« La clé ? Poursuivre l’effort selon les dirigeants interrogés dans l’enquête publiée par EY : optimiser la dépense publique, accélérer sur l’industrie, la décarbonation et “miser sur nos compétences critiques et sur l’innovation”. »
L’étude EY souligne enfin que ces mêmes investisseurs attendent une continuité dans les initiatives comme France 2030, considérées comme des leviers stratégiques pour stimuler les filières clés (mobilité, énergie, santé, alimentation). Autrement dit, ils demandent avant tout que la France maintienne une vision ambitieuse et mobilise des politiques publiques cohérentes pour accompagner leurs projets sur le long terme.
Malgré ces turbulences qui s’annoncent, la France demeure un pilier pour les investisseurs étrangers. « Face à l’Allemagne et au Royaume-Uni, ils continuent d’y réinvestir », assure Marc Lhermitte (EY). La clé ? Poursuivre l’effort selon les dirigeants interrogés dans l’enquête publiée par EY : optimiser la dépense publique, accélérer sur l’industrie, la décarbonation et “miser sur nos compétences critiques et sur l’innovation”. Le sommet Choose France 2025 sera scruté de près, tant il représente une occasion pour la France de réaffirmer son attractivité mais aussi de regagner la confiance des investisseurs étrangers.