Par Alexandra Gaboriau, consultante chez CHEFCAB
La pandémie a marqué un tournant majeur pour le marché de l’immobilier d’entreprises qui connaît une transformation sans précédent. Autrefois centralisés dans les quartiers d’affaires animés, les bureaux se vident progressivement au profit de l’instauration d’un modèle hybride (alternance entre le présentiel et le distanciel) permettant aux collaborateurs une plus grande flexibilité dans leur gestion du quotidien.
À l’heure où les pouvoirs publics s’interrogent sur l’amélioration des conditions de travail des actifs, notamment par le recours au télétravail, cette modalité soulève aussi des questions d’ordre économique, car le marché de l’immobilier de bureaux joue un rôle crucial dans l’attractivité des centres-villes et des secteurs périphériques.
« En effet, avant la pandémie, seuls 4 % des salariés français travaillaient régulièrement à distance contre 19% en 2022. »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, l’Île-de-France enregistrait une demande placée de 1 932 000 m² de bureaux, soit une baisse de 12 % par rapport à la moyenne décennale. En parallèle, les volumes d’investissement ont chuté de 61 % par rapport à la moyenne quinquennale selon BNP Paribas Real Estate. Si ces résultats reflètent des enjeux économiques plus larges, incluant une croissance économique modérée, une inflation élevée et des tensions géopolitiques, il convient de prendre en considération l’augmentation notable du taux d’actifs qui télétravaillent. En effet, avant la pandémie, seuls 4 % des salariés français travaillaient régulièrement à distance contre 19% en 2022.
« Ainsi, les entreprises réexaminent leurs besoins et favorisent désormais l’absence de bureau attitré, autrement appelé le “flex-office”. »
On peut aussi constater une très forte augmentation du taux de vacance des bureaux en France, particulièrement en Île-de-France, avant et après la crise du Covid-19. À la fin de l’année 2019, juste avant la pandémie, l’offre immédiate de bureaux vacants en Île-de-France était de 2,717 millions de m² contre 4,088 millions de m² au deuxième trimestre 2022, soit une augmentation de 50% par rapport à la période pré-Covid. En 2022, le stock vacant de bureau d’entreprise s’élevait à 4,7 millions de m² soit une progression de + 25 % sur un an, selon le cabinet Grecam.
Ainsi, les entreprises réexaminent leurs besoins et favorisent désormais l’absence de bureau attitré, autrement appelé le “flex-office”. Cette organisation comprend des espaces de coworking permettant d’offrir davantage de flexibilité et de réduire les coûts liés à l’immobilier traditionnel.
De plus, cette évaluation est disparate selon les zones géographiques. En effet, les distances domicile-travail plus longues encouragent le recours au télétravail, augmentant ainsi la vacance dans des zones éloignées du centre. En outre, les espaces de coworking et les bureaux partagés deviennent des solutions prisées.« Alors que les Jeux Olympiques de Paris débutent, il conviendra également de garder un œil attentif sur l’impact que le télétravail provisoire pourrait avoir sur ce marché en mutation. »
La proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements émerge alors comme une solution pour remédier à la vacance structurelle des bâtiments. Déposée sous la précédente législature dans le cadre d’une commission mixte paritaire en mai dernier, la proposition de loi du député Romain Daubié vise à simplifier les démarches administratives et à permettre une adaptation rapide des bâtiments aux besoins du marché.
Alors que ce texte offre une flexibilité bienvenue pour remédier à la crise du logement en France, il pourrait cependant aussi accentuer la pression exercée sur le marché de l’immobilier de bureau puisque la reconversion de ces espaces pourrait réduire davantage l’offre disponible pour les entreprises.Mise à l’arrêt en raison du calendrier politique, l’éventuel réexamen de ce texte offrirait la possibilité aux nouveaux locataires du Palais Bourbon d’y incorporer des mesures supplémentaires permettant de mieux équilibrer l’offre et la demande dans le secteur de l’immobilier de bureaux tout en répondant aux besoins croissants de logements.
Alors que les Jeux Olympiques de Paris débutent, il conviendra également de garder un œil attentif sur l’impact que le télétravail provisoire pourrait avoir sur ce marché en mutation. En effet, les entreprises sont largement invitées à privilégier le télétravail pour leurs collaborateurs afin de faciliter les mobilités et décongestionner les transports en commun durant cette période de forte affluence.
Aussi, l’expérimentation de la semaine “en quatre jours” dans la fonction publique ainsi qu’à “ceux qui ne peuvent pas faire de télétravail” telle qu’annoncée par le gouvernement démissionnaire pourrait également avoir une incidence sur les transactions immobilières.