Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB
L’effet des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris sur le marché du travail a su faire parler de lui ces derniers mois. On a d’abord été fascinés par les opportunités offertes en matière d’emploi. Puis inquiets des difficultés de recrutement rencontrées par les organisateurs, notamment dans le domaine sensible de la sécurité. À moins de 60 jours du début des Jeux, ne serait-il pas temps de réfléchir aux effets de long terme de cet événement sur le marché du travail français ?
« D’après le récent rapport de l’Institut statistique, l’emploi salarié a augmenté de 0,6 % au cours de la dernière année, et se situe à 6,2 % au-dessus de son niveau de 2019 »
Bien que quelques secteurs peinent encore à recruter, l’emploi salarié a connu une hausse inédite au cours des derniers mois, dépassant les prévisions initiales de l’Insee. D’après le récent rapport de l’Institut statistique, l’emploi salarié a augmenté de 0,6 % au cours de la dernière année, et se situe à 6,2 % au-dessus de son niveau de 2019. Si cette hausse est le résultat des politiques publiques de l’emploi des dernières années, elle est également due aux embauches nécessaires pour l’organisation des Jeux. En effet, toujours selon l’Insee, c’est le secteur tertiaire marchand qui a connu la plus importante augmentation au cours du dernier trimestre, un secteur particulièrement sollicité dans le cadre des JO. Bonne nouvelle : cette dynamique devrait se maintenir au moins jusqu’à la fin des Jeux, puisque 137 500 offres d’emplois supplémentaires ont récemment été publiées dans les secteurs de la sécurité privée, du tourisme et des transports, selon une étude du cabinet KYU.
Ces chiffres amènent toutefois à se demander si une chute du niveau d’emploi n’est pas à craindre dès lors que l’événement prendra fin, à partir de septembre 2024. D’autant que la plupart des emplois créés pour l’occasion sont des CDD, au détriment des CDI qui ont légèrement reculé au cours des derniers mois. Or, si la disparition de certains postes propres aux Jeux Olympiques et Paralympiques est inévitable, il n’en demeure pas moins que la hausse du taux d’emploi des derniers mois pourrait s’inscrire dans le temps long.
« il est impératif de mettre en place des mécanismes de reconnaissance et de valorisation des compétences acquises par les travailleurs pendant les JO »
En effet, les difficultés à recruter dans certains secteurs, comme l’hôtellerie-restauration ou la construction, ont poussé les pouvoirs publics à développer des formations adaptées aux métiers en manque de candidats. Cette montée en compétences des travailleurs mobilisés par les Jeux sera renforcée par l’expérience professionnelle acquise à cette occasion. Dans ce cadre, il est impératif de mettre en place des mécanismes de reconnaissance et de valorisation des compétences acquises par les travailleurs pendant les JO. Les formations spécifiques et les expériences professionnelles devront être formellement reconnues par des certifications ou des validations des acquis de l’expérience (VAE). Il sera également indispensable de renforcer l’identification et la mise en place de solutions de transition ou de passerelles afin d’orienter les travailleurs vers des emplois permanents dans les secteurs où ils ont acquis de nouvelles compétences durant les Jeux.
En parallèle, l’événement estival contribue à renforcer la visibilité et l’attractivité de certains métiers et secteurs, comme celui de la sécurité privée évoqué plus haut, ce qui pourrait inciter de nouveaux demandeurs d’emploi à s’orienter en priorité vers ces métiers habituellement délaissés. Une communication efficace permettrait de promouvoir les métiers rendus attractifs par les Jeux et ainsi maintenir l’intérêt pour ces professions à l’issue de l’événement.
Si les créations d’emplois liées au JO pourraient entretenir des effets positifs de long terme sur le marché du travail, il convient tout de même de veiller à prioriser des contrats durables et sécurisants pour les travailleurs. Si les CDD et autres contrats flexibles permettent de répondre aux besoins immédiats du marché du travail en temps de Jeux, ils présentent dans certains cas des risques de précarisation, d’instabilité de l’emploi et de dégradation des conditions de travail. La flexibilité rendue nécessaire et sûrement plus acceptable par l’expérience des Jeux ne doit pas devenir la norme du marché de l’emploi. Les pouvoirs publics, en lien avec les partenaires sociaux, devront redoubler de vigilance quant aux conditions d’exercice des travailleurs afin de s’assurer que la grande fête des Jeux ne devienne pas synonyme de précarité.
“L’effet JO” désigne donc des réalités variées, allant du renforcement des compétences et de l’expérience des salariés à la promotion de modèles d’emploi plus précaires. En somme, il nous revient de déterminer quel effet “prendre”, et lequel “laisser” en adoptant les mesures adaptées. Ce qui est sûr, c’est que nous disposons d’une véritable opportunité de construire un marché du travail plus inclusif, plus dynamique, tout en préservant la sécurité des actifs. En synthèse, c’est à nous de choisir, et c’est maintenant.