Par Nicolas Citti, consultant chez CHEFCAB

« Dans ce contexte d’incertitude, à l’heure où la France se retrouve malgré elle à un carrefour décisif et sans nul doute historique, force est de constater que les milieux économiques affichent une prudence assourdissante, mêlée à un sentiment de doute sur l’avenir économique et financier du pays »

Dans ce contexte d’incertitude, à l’heure où la France se retrouve malgré elle à un carrefour décisif et sans nul doute historique, force est de constater que les milieux économiques affichent une prudence assourdissante, mêlée à un sentiment de doute sur l’avenir économique et financier du pays. Ce doute, qui contraste fortement avec l’effervescence de la société civile et des jeux de pouvoir trans-partisans, traduit non seulement la difficulté des chefs d’entreprises à se positionner dans cette campagne, mais également à l’incertitude grandissante de tout un secteur composé de patrons de fleurons industriels, de commerçants ou encore d’auto-entrepreneurs. 

« Le marché déteste l’inconnu, et davantage lorsque la société pourrait donner un blanc-seing aux partis extrêmes pour diriger le pays.  »

Le marché déteste l’inconnu, et davantage lorsque la société pourrait donner un blanc-seing aux partis extrêmes pour diriger le pays. Dès lors, dans la mesure où les entreprises françaises subissent un rétrécissement de l’économie depuis un an, et tiraillées entre des programmes économiques qualifiés “d’ubuesques” par le Président de la République, quels risques pourraient faire peser ces élections dans l’économie nationale ? 

Habituées aux politiques tournées vers la croissance économique, vers l’accélération de la productivité et la réduction des déficits budgétaires, les entreprises françaises craignent un choc économique, dans l’hypothèse d’un nouveau gouvernement, et cela par diverses manières. 

Tout d’abord, un renforcement des contrôles aux frontières et une remise en cause de la libre concurrence à l’échelle européenne, tels que souhaités par le Rassemblement National, pourraient bouleverser les relations commerciales établies, ainsi que fragiliser les opportunités d’exportations de la France. 

« Par exemple, l’économiste Sylvain Bersinger estime – en se fondant sur le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022 et sur son coût, calculé par l’Institut Montaigne – que le programme du RN creuserait le déficit public de 3,9 % du produit intérieur brut par an. »

Ensuite, une hausse considérable de la dépense publique, par une politique de la subvention, pourrait venir grever durablement nos déficits publics, entraînant une nouvelle dégradation de la note française par les agences de notation internationales, et donc une perte de confiance à court et moyen terme des marchés financiers. Par exemple, l’économiste Sylvain Bersinger estime – en se fondant sur le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022 et sur son coût, calculé par l’Institut Montaigne – que le programme du RN creuserait le déficit public de 3,9 % du produit intérieur brut par an. 

« Malgré ces hypothèses, les chefs d’entreprise, cadres supérieurs, et investisseurs semblent préférer s’adonner au silence et à l’observation plutôt que de se risquer au jeu dangereux des déclarations publiques. »

Malgré ces hypothèses, les chefs d’entreprise, cadres supérieurs, et investisseurs semblent préférer s’adonner au silence et à l’observation plutôt que de se risquer au jeu dangereux des déclarations publiques. Bien que le Medef, à la marge d’une conférence où chaque parti a défendu son programme économique, s’est fendu d’une courte déclaration pour appeler à davantage «de rationalité et de transparence dans le débat public», il n’en demeure pas moins que la frilosité est de mise. Pour retrouver un débat d’expert, un débat rationnel, les milieux économiques doivent sortir de leur réserve. Nul doute que leur expertise, leur connaissance du terrain et leur capacité à anticiper les évolutions du marché seraient des éléments essentiels pour guider de façon libre et éclairée le choix final du citoyen dans les urnes.

« A l’heure où la fièvre s’abat sur une France désunie, pétrie dans des postures politiciennes à défaut de susciter un réel débat d’idées, les Français devraient éviter l’écueil de l’indécision. »


En conclusion, le défi est immense. A l’heure où la fièvre s’abat sur une France désunie, pétrie dans des postures politiciennes à défaut de susciter un réel débat d’idées, les Français devraient éviter l’écueil de l’indécision. Les entreprises, tout comme les citoyens, doivent s’engager dans cette réflexion collective sur l’avenir du pays. Seul un débat public éclairé et laissant les passions de côté permettra aux citoyens de faire le bon choix, ou du moins, le choix de la raison. Les turbulences politiques sont certes à craindre, mais faisons confiance au collectif pour dépasser les divisions.