Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB :

La 27e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, moment d’échanges et de débat sur les enjeux et les opportunités liés à l’insertion professionnelle des personnes handicapées, s’est ouverte ce lundi 20 novembre. Au cœur des réflexions cette année : le potentiel accélérateur d’emploi pour les personnes en situation de handicap qu’offre la transition numérique. Sur le papier, ce secteur dynamique peut constituer une réelle opportunité pour l’insertion des travailleurs handicapés. Mais qu’en est-il dans les faits ? Quels efforts reste-t-il à réaliser ? 

En France, la loi en faveur de l’emploi des personnes handicapées de 1987 prévoit que tout employeur de 20 salariés et plus soit tenu d’employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l’effectif total. En 2023, seules 29 % des 111.300 entreprises assujetties ont atteint ou dépassé les 6 % légaux, quand plus de 30% affichaient un quota de … zéro. Conséquence : si le taux de chômage des travailleurs handicapés a reculé de 17,6% à 12% entre 2017 et 2022, il reste de 5 points supérieur à celui de la population générale qui se situait alors autour de 7%.

« En 2023, seules 29 % des 111.300 entreprises assujetties ont atteint ou dépassé les 6 % légaux, quand plus de 30% affichaient un quota de … zéro. »

Secteur porteur ayant atteint une croissance de près de 6% au cours des derniers mois, le numérique est appréhendé par beaucoup comme LA solution à cette problématique d’exclusion. La tension sur les recrutements dans les métiers du numérique, avec près de 85 000 postes non pourvus en 2022 selon l’Institut Montaigne, en font en effet un vecteur d’insertion professionnelle pour les personnes atteintes de handicap. Développeur, technicien informatique, ou encore spécialiste des réseaux et sécurité, constituent autant de postes que le secteur doit pourvoir afin de continuer son développement dans les années à venir. D’autant que la plupart de ces métiers sont spécifiquement adaptés ou adaptables aux besoins des travailleurs handicapés. De la transcription en braille aux lecteurs d’écran, des agrandisseurs de caractères aux logiciels de dictée, de nombreux outils permettent d’en faciliter l’accès pour tous. Enfin, la nature des tâches, facilitant le recours au télétravail, permet également d’éliminer les contraintes de déplacements et d’accessibilité aux transports que rencontrent encore de nombreux travailleurs atteints de handicap.

« La tension sur les recrutements dans les métiers du numérique, avec près de 85 000 postes non pourvus en 2022 selon l’Institut Montaigne, en font en effet un vecteur d’insertion professionnelle pour les personnes atteintes de handicap. »

Force est de constater que par ses besoins de recrutement et son engagement à créer des opportunités d’emploi inclusives, le numérique aurait de quoi surmonter les obstacles liés au handicap au travail. À l’heure actuelle cependant, la filière est loin de répondre à ces défis. Avec un taux d’emploi direct majoré d’handicapés de 2,8 % de ses effectifs en 2022, le secteur d’activité de l’information et de la communication reste en effet très loin de l’obligation de 6 % et en dessous de la moyenne nationale de 3,5%. 

L’une des explications au retard de la filière, selon le président de l’Adapt Bruno Pollez, est le niveau d’étude des travailleurs handicapés, qui reste nettement inférieur à ceux de leurs collègues. En effet, ils étaient moins de 4 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap à avoir suivi une formation dans le domaine numérique en 2022. 

Une autre piste d’explication est à chercher du côté des entreprises, et plus particulièrement des plus petites d’entre elles. Les chiffres de l’année 2023 tous secteurs confondus révèlent une grande disparité en matière de respect des obligations d’emploi des travailleurs handicapés selon la taille des entreprises concernées : alors que seulement 1% des grandes entreprises n’emploient aucun handicapés, c’est le cas de 41% des entreprises entre 20 et 49 salariés. Si certains y verront la preuve d’une mauvaise volonté, ces chiffres témoignent surtout du manque de moyens disponibles pour la mise en place de politiques d’accessibilité au sein des petites entreprises. Une problématique qui semble particulièrement s’appliquer au secteur numérique, composé d’une majorité de TPE/PME, et qui permet donc d’expliquer une partie de son retard par rapport à d’autres filières plus installées.

« Les chiffres de l’année 2023 tous secteurs confondus révèlent une grande disparité en matière de respect des obligations d’emploi des travailleurs handicapés selon la taille des entreprises concernées. »

Encore loin de constituer un eldorado, l’insertion dans et par le numérique nécessite la mise en place de politiques ambitieuses d’accompagnement à toutes les échelles. Il s’agit non seulement d’orienter les demandeurs d’emplois handicapés vers les métiers d’avenir en fonction de leurs envies et de leurs compétences, mais aussi d’engager un réel effort de formation, adapté aux réalités de ces travailleurs. En parallèle, il est indispensable de préparer le terrain à leur insertion en soutenant efficacement les entreprises du numérique dans leur politique d’ouverture et d’accessibilité pour tous les travailleurs.