Par Léa Trentalaud, consultante senior chez CHEFCAB

« En 2024, 3185 postes restaient non pourvus à l’issue des concours. »

Le gouvernement a récemment annoncé une réforme de la formation initiale des enseignants, la cinquième en 30 ans. Présentée comme “la mère des batailles” par Elisabeth Borne, la formation des enseignants doit constituer un levier d’attractivité pour attirer les talents, alors que l’Education nationale peine à recruter. En 2024, 3185 postes restaient non pourvus à l’issue des concours. Alors que 4 enseignants sur 5 estiment ne pas avoir été préparés à l’exercice de leur métier, et face à des conditions d’enseignement difficiles – classes parmi les plus chargées d’Europe, manque de moyens humains et financiers – cette réforme vise à mieux accompagner les étudiants vers ce métier qui peine à susciter des vocations.

Alors, comment expliquer ce désamour ? Selon une étude de la Cour des comptes réalisée en mai 2022 auprès d’étudiants, pour déterminer la raison pour laquelle ils ne choisissaient pas la voie de l’enseignement, ces derniers citaient majoritairement le salaire insuffisant – les enseignants français ont un niveau de salaires 16% inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE – les conditions de travail et les difficultés rencontrées au quotidien, ainsi que le manque de reconnaissance. 

Concrètement, la réforme va repositionner le concours de professeur des écoles à Bac+3 (contre Bac+5 depuis 2010), avec une rémunération des futurs enseignants dès leur entrée en master. Le contenu de la formation sera également revu pour mieux former les professeurs à tous les aspects de leurs métiers – les contenus disciplinaires seront notamment renforcés. Au-delà de cette nécessaire réforme de la formation initiale, le ministère a également annoncé une consultation à venir auprès des organisations syndicales sur le sujet de la formation continue. 

« Selon un rapport de la Cour des Comptes publié en 2023, la formation continue est souvent reléguée au second plan (…) »

En effet, la formation des enseignants au cours de leur carrière reste très limitée. Selon un rapport de la Cour des Comptes publié en 2023, la formation continue est souvent reléguée au second plan avec un nombre de jours de formation faible – 3 jours par an en 2019 pour les enseignants, contre 9,2 en moyenne pour les autres agents de catégorie A de la fonction publique. Sur ce point, l’engrenage est complexe ; les pénuries de remplaçants limitent fortement la capacité des enseignants à suivre des formations, puisqu’ils ne peuvent pas toujours être remplacés. De la même manière, les attentes des enseignants semblent également peu prises en compte : s’ils expriment des besoins importants de formation en matière d’accompagnement des élèves connaissant des besoins éducatifs particuliers, et dans la mise en oeuvre d’approches pédagogiques individualisées, ce sont pourtant les formations liées à la maîtrise des disciplines enseignées qui prévalent. Pour y remédier, des consultations gagneraient à être menées à l’échelle des académies pour faire remonter les besoins concrets des enseignants face aux situations rencontrées en classe, et construire des formations plus adaptées. Le recours à l’IA pourrait également faciliter l’individualisation des parcours de formation. 

Par ailleurs, contrairement à d’autres professions au sein de la fonction publique, le métier d’enseignant offre peu de perspectives d’évolution au fil de la carrière. Au-delà du changement de classes et de niveaux, ou de la prise d’un poste de direction, le métier reste sensiblement le même. Cet aspect peut rebuter les jeunes générations en quête de plus de flexibilité et de mobilité. Pour répondre à cet enjeu, des passerelles pourraient être envisagées avec d’autres professions de la fonction publique, permettant aux enseignants de faire des pauses d’enseignement, dans une carrière majoritairement passée face à des élèves, générant souvent du stress et de la fatigue. De plus, des dispositifs de VAE spécifiques pourraient être déployés pour mieux reconnaître les nombreuses compétences acquises par les enseignants, et leur permettre, s’ils souhaitent changer de voie, de se reconvertir plus facilement. 

« Dans l’Education nationale, si les enseignants disposent bien d’un compte personnel de formation, celui-ci est crédité en heures et non en euros (…) »

De la même manière, il conviendrait de simplifier l’accès au CPF pour les enseignants et les agents publics, qui sont aujourd’hui extrêmement limités en la matière. Alors que la loi de 2018 visait à donner aux actifs la liberté de choisir leur avenir professionnel, les plus de 5 millions d’agents publics en sont les grands oubliés. Dans l’Education nationale, si les enseignants disposent bien d’un compte personnel de formation, celui-ci est crédité en heures et non en euros, et contrairement aux salariés du privé, les professeurs qui souhaitent l’utiliser doivent solliciter l’accord préalable de leur administration. Ils sont également limités dans le choix de leurs formations, qui au-delà de leur validation par l’administration doivent rester en cohérence avec leur projet professionnel. Ces contraintes sont fortement désincitatives et entravent les possibilités de reconversion pour les enseignants.

La réforme annoncée devra donc faire de la formation continue un élément central pour attirer, fidéliser, et accompagner les enseignants tout au long de leur carrière. C’est une condition indispensable pour qu’enseigner reste – ou redevienne – le “plus beau métier du monde”.