Par Camille Bourgeois, consultante chez CHEFCAB

En raison d’une diminution de sa population en âge de travailler, le Québec fait face depuis quelques années à des difficultés de recrutement croissantes. Pour contrer cette tendance, les entreprises et le gouvernement ont multiplié les efforts pour promouvoir le développement des compétences, afin d’assurer la relève d’une main-d’œuvre qualifiée. Résultat ? Au cours des dernières années, une véritable culture de la formation continue s’est répandue au Québec, intégrée dans les politiques publiques et les pratiques des entreprises, façonnant au passage une économie prête à affronter les défis de demain. Coup de projecteur sur l’inspirant système québécois.

«  (…) la loi dite du 1%, impose depuis aux entreprises dont la masse salariale annuelle est de plus de deux millions de dollars à investir l’équivalent d’au moins 1 % de cette masse salariale dans des activités de formation. »

L’importance de la formation continue au Québec n’est pas récente, puisque le programme gouvernemental le plus emblématique en la matière date de la fin des années 1990. Extrêmement novatrice en la matière, la loi dite du 1%, impose depuis aux entreprises dont la masse salariale annuelle est de plus de deux millions de dollars à investir l’équivalent d’au moins 1 % de cette masse salariale dans des activités de formation. Toujours en vigueur aujourd’hui, cette mesure a largement imprégné le paysage de l’emploi et de la formation de la province ces dernières années, jusqu’à faire de la formation une étape reconnue et extrêmement valorisée des carrières québécoises. Dans la province, où plus de 52% des entreprises investissent fréquemment dans la formation, il est courant qu’un employé suive une formation sur son temps de travail, sans jamais que cela ne soit perçu comme un manque à gagner pour l’entreprise, bien au contraire !

«  Face aux transformations à venir, le Québec mise donc sur le développement des compétences pour renforcer l’employabilité de ses travailleurs et la compétitivité de ses entreprises sur le long terme. »

Au cours des dernières années, de nombreuses subventions, tant à l’échelle fédérale que provinciale, ont contribué à ce mouvement. C’est particulièrement le cas aujourd’hui dans le secteur numérique et les métiers de la transition écologique, pour lesquels la formation devient un outil stratégique afin d’anticiper les évolutions du marché du travail. Par exemple, le programme Ambitions Compétences de la province, destiné aux entreprises, vise à financer jusqu’à 85% des coûts des formations professionnelles pour répondre aux besoins de développement de ces deux secteurs. Face aux transformations à venir, le Québec mise donc sur le développement des compétences pour renforcer l’employabilité de ses travailleurs et la compétitivité de ses entreprises sur le long terme.

La politique incitative en matière de compétences n’est pas la seule raison de cette culture de la formation continue au Québec. À l’instar de l’Allemagne, le système d’éducation québécois tend à valoriser les formations secondaires professionnelles, perçues comme une alternative aux cursus académiques et théoriques. Cette approche est ancrée dans la culture éducative québécoise, où l’on reconnaît, peut-être plus aisément qu’en France, que l’apprentissage de compétences pratiques est essentiel à l’employabilité et à la compétitivité économique.

Comparativement à ses voisins européens, la France fait figure de bonne élève en matière de formation, en ayant notamment permis aux individus de se former via leur compte personnel de formation. Toutefois, elle gagnerait à s’inspirer du système et des mesures québécoises afin d’ancrer durablement la formation dans les mœurs et le fonctionnement courant du tissu économique. Les incitations gouvernementales, l’accompagnement des entreprises, ou encore la valorisation des compétences techniques, sont autant de spécificités qui participent à faire de la formation un axe clé du dynamisme économique de la province de Québec.

« Avec plus de 1,6 million d’emplois à pourvoir d’ici 2030 et un accès restreint à l’immigration pour pallier ces besoins, la demande en formation n’a jamais été aussi forte. »

Par ailleurs, ce marché en pleine expansion est porteur d’opportunités pour les organismes de formation français souhaitant élargir leur horizon : avec plus de 1,6 million d’emplois à pourvoir d’ici 2030 et un accès restreint à l’immigration pour pallier ces besoins, la demande en formation n’a jamais été aussi forte. En témoigne l’engagement du Gouvernement, qui prévoit d’investir 819 millions de dollars dans l’éducation et la formation d’ici 2028-2029. Ce contexte prometteur, renforcé par la culture québécoise de la formation, ouvre donc des perspectives de développement certaines pour les acteurs du secteur.